Les formes sévères de Covid-19 seraient finalement liées à… nos anticorps

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Pboulanger Prés.
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Les formes sévères de Covid-19 seraient finalement liées à… nos anticorps

Message par Pboulanger Prés. »

Bonjour à tous,

Lu sur https://www.nouvelobs.com/coronavirus-d ... corps.html
Les formes sévères de Covid-19 seraient finalement liées à… nos anticorps

TRIBUNE. Matthew Woodruff, immunologiste à l’université Emory d’Altanta explique comment il a changé d’opinion à propos des conditions pouvant causer des formes sévères de Covid-19.

Par The Conversation
Publié le 13 octobre 2020 à 09h35
 
Durant les premiers temps de la pandémie, de nombreux immunologistes, dont moi-même, ont supposé que les patients qui produisaient de grandes quantités d’anticorps suffisamment tôt au cours de l’infection par le coronavirus SARS-CoV-2 ne développeraient pas la maladie. Nous nous sommes trompés. Après plusieurs mois passés à étudier la Covid-19, comme d’autres scientifiques, j’ai fini par réaliser que la situation est en réalité bien plus compliquée que ce que je pensais initialement.
 
Je suis immunologiste à l’Université Emory d’Atlanta, aux États-Unis, où je travaille sous la direction du Dr Ignacio Sanz, responsable du département de rhumatologie de notre établissement. Notre spécialité est la dysrégulation immunitaire, autrement dit les anomalies de la régulation immunitaire.
 
Avec mes collègues, nous avons récemment publié dans la revue Nature Immunology de nouveaux éléments accréditant l’idée que, chez certains patients infectés par le SARS-CoV-2, il est aussi important de prévenir cette dysrégulation que de lutter contre le virus lui-même.

Inflammation et Covid-19

L’un des tournants dans l’histoire de la pandémie a été la prise de conscience que la force de frappe déployée par le système immunitaire pour lutter contre le coronavirus pouvait mener à des victoires à la Pyrrhus. Chez les patients atteints de formes sévères de Covid-19, le processus inflammatoire destiné à combattre le SARS-CoV-2 s’est en effet avéré potentiellement responsable de dommages collatéraux pour l’organisme du patient.

Les études cliniques ont décrit le déclenchement, chez certains patients, d’« orages cytokiniques » durant lesquels la réponse immunitaire produit une immense quantité de molécules inflammatoires, d’anticorps à l’origine de dangereux caillots sanguins et entraîne l’inflammation de multiples systèmes d’organes (ndlr : un système d’organes est un groupe d’organes qui fonctionnent ensemble – le système gastro-intestinal par exemple comprend l’estomac, les intestins, le pancréas, le foie et la vésicule biliaire), entraînant l’inflammation des vaisseaux sanguins, situation décrite notamment chez 186 enfants qui avaient récupéré de la maladie.

L’ensemble de ces signes suggère que, chez ces patients, la réponse immunitaire censée être protectrice serait devenue destructrice.

Les médecins qui se trouvaient en première ligne face à cette situation ont rapidement réfléchi ; leurs décisions courageuses ont conduit à utiliser des stéroïdes (des médicaments qui atténuent la réponse immunitaire) pour traiter ces patients dès leur hospitalisation. Cette approche a permis de sauver des vies.
 
On ne comprend cependant pas encore quels sont les composants de la réponse immunitaire qui sont atténués par ce traitement. Saisir comment fonctionne la dysrégulation immunitaire chez les patients atteints de Covid-19 pourrait permettre d’identifier les malades chez qui ces traitements seraient les plus efficaces. Des approches plus ciblées et plus puissantes, permettant de moduler le système immunitaire, telles que celles actuellement réservées aux maladies auto-immunes, pourraient même être envisagées.

Les bons anticorps, au bon moment

Les anticorps sont de puissantes armes de défense. Produits par des globules blancs appelés lymphocytes B, ils s’accrochent aux agents infectieux tels que virus et bactéries, les empêchant ainsi d’infecter les cellules saines. Ces agrégats anticorps-virus déclenchent de puissantes réactions inflammatoires et servent de balises de guidage pour le reste du système immunitaire, lui permettant de cibler efficacement les agents pathogènes.
 
Dans certaines circonstances, les anticorps peuvent même tuer. Ils sont en effet si puissants qu’en cas de méprise sur l’identité de leur cible – lorsqu’un lymphocyte B produit des anticorps s’attaquant aux cellules du corps qu’ils sont censés défendre – ils peuvent endommager les organes à grande échelle, et mettre en place un cycle perpétuel d’« autociblage immunitaire ». Cette situation d’autodestruction permanente est qualifiée de « maladie auto-immune ».
 
Pour éviter ce type de catastrophe auto-immune et afin de procurer une réponse efficace contre les envahisseurs, les lymphocytes B suivent une « formation ». Ceux qui sont capables de reconnaître le virus subissent un processus de maturation qui garantit à l’organisme de disposer d’anticorps puissants capables de neutraliser l’agent pathogène. Les lymphocytes B qui ciblent les tissus sont au contraire détruits.
 
Mais ce processus de maturation demande du temps. Or, durant une infection sévère, perdre deux semaines à « entraîner » des lymphocytes B peut signifier risquer de succomber. Pour éviter cela, le système immunitaire dispose d’une solution alternative pour activer les lymphocytes B, appelée « activation extrafolliculaire ». Celle-ci génère des anticorps à action rapide en contournant semble-t-il les nombreux contrôles de sécurité qui accompagnent habituellement la réponse immunitaire plus ciblée.
 
Les réactions extrafolliculaires se développent rapidement, sont de courte durée et disparaissent lorsque des réactions plus ciblées se mettent en place.

Mais les choses se passent parfois différemment.
 
Réponses anticorps de type auto-immune et Covid-19

 
Image
Lorsque les lymphocytes B produisent des anticorps qui attaquent les tissus humains plutôt qu’un envahisseur (virus ou bactérie),
une maladie auto-immune peut se développer. AFP


Entre 2015 et 2018, notre laboratoire a découvert que ces réactions extrafolliculaires du système immunitaire constituaient un point commun entre les patients atteints de maladies auto-immunes, telles que le lupus. Chez les patients lupiques, les réponses extrafolliculaires sont activées de façon chronique, ce qui conduit à des taux élevés d’anticorps ciblant les tissus, et à la destruction d’organes tels que les poumons, le cœur et les reins.
 
La présence dans le sang de ces types de lymphocytes B particuliers, générés par réactions extrafolliculaires, constitue un marqueur important de la sévérité de l’atteinte dans le contexte du lupus. C’est désormais aussi le cas pour la Covid-19.
 
De façon similaire à ce que nous avions observé pour le lupus, mes collègues et moi-même avons identifié des signatures extrafolliculaires de lymphocytes B chez des patients atteints de formes sévères de Covid-19. Nous avons montré qu’au début de la réponse à l’infection, cette voie accélérée de production d’anticorps est rapidement activée chez ces patients. Leur corps produit alors des niveaux élevés d’anticorps spécifiques au virus, dont certains sont effectivement capables de le neutraliser. Cependant, en plus de ces anticorps protecteurs, nous en avons identifié d’autres qui ressemblent de façon très suspecte à ceux que l’on observe dans les maladies auto-immunes telles que le lupus.
 
En fin de compte, les patients présentant ces réponses immunitaires comportant des lymphocytes B de type auto-immun s’en sortent mal : on constate chez eux une incidence élevée de défaillance de divers systèmes d’organes, ainsi qu’une incidence de décès importante.

Atténuer la réponse immunitaire dans le contexte de la Covid‑19

Soyons clairs : la Covid-19 n’est pas une maladie auto-immune. Les réponses inflammatoires de type auto-immunes que mon équipe a découvertes pourraient simplement refléter la réponse « normale » face à une infection virale devenue incontrôlable.
 
Toutefois, même si ce genre de réaction est « normale », cela ne signifie pas qu’elle n’est pas dangereuse. Il a été démontré que les réponses extrafolliculaires prolongées contribuent à la gravité des maladies auto-immunes, non seulement en raison de la production d’anticorps ciblant certains tissus du corps, mais aussi à cause de l’inflammation qu’elles déclenchent, qui peut endommager des organes comme les poumons et les reins.
 
Ces observations suggèrent que les réponses immunitaires initiales à une infection virale telle que celle due au SARS-CoV-2 sont en tension avec les réponses anticorps plus ciblées, qui interviennent plus tard ; en d’autres termes, la production rapide d’anticorps par l’organisme en vue de s’attaquer au virus risque au final de cibler non pas celui-ci, mais les propres organes et tissus du malade.
 
Nous autres immunologistes devons encore en apprendre davantage. Pourquoi seuls certains patients développent-ils une si forte réponse extrafolliculaire ? Les anticorps qui résultent de cette réaction sont-ils particulièrement enclins à attaquer et à détruire les organes de l’hôte ? Les « formes longues » de Covid-19, dont on soupçonne qu’elles persisteraient après la disparition de l’infection virale, pourraient-elles s’expliquer par la permanence d’une telle réponse faisant intervenir des anticorps autoréactifs ?
 
Il reste des incertitudes. Cependant la communauté médicale doit avoir conscience que, chez certains patients, le traitement par stéroïdes (voire par des thérapies auto-immunes plus puissantes) constitue une arme essentielle dans la lutte contre la Covid-19, en permettant d’atténuer les réponses immunitaires problématiques. Médecins et scientifiques doivent continuer à conjuguer leurs efforts pour construire notre arsenal thérapeutique, en gardant à l’esprit que, dans certains cas, le contrôle de la réponse immunitaire pourrait être aussi important que le contrôle du coronavirus SARS-CoV-2 lui-même.
 
Matthew Woodruff, Instructor, Lowance Center for Human Immunology, Emory University
 
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.



Prenez bien soin de vous !
Amicalement,
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